• 2021-8 Milices nazies (2)

    Séance 8

    INSTITUTIONS ET MILICES DE LA GUERRE NAZIE

    (suite)

     

    Je poursuis aujourd’hui la description et l’analyse des groupements nazis miliciens-militaires voués à mener la guerre interne dont j’ai parlé.

    4) La jeunesse hitlérienne (Hitlerjugend)

    J’en ai traité dans la séance 6, donc je n’y reviens pas. Je rappelle juste que la Jeunesse hitlérienne finit, en 1939,  par être obligatoire pour tous les garçons et les filles de 10 à 18 ans.

    5) La S.S

    Cette question mérite d’être traitée avec suffisamment de précision, tant le rôle que la SS a joué dans l’histoire du nazisme est important ; et tant la SS a contribué à fixer l’image de la violence meurtrière attachée au nazisme, et en conséquence l’image du mal absolu. Richard J. Evans, dans le premier tome de son ouvrage fondamental sur le IIIè Reich (comme celui de I. Kershaw sur Hitler), dit bien que « la création de la SS marque l’achèvement de l’architecture de base du mouvement nazi » (Le troisième Reich, t. 1. L’avènement, op. cit., p. 289).

    Pour ce qui est de mon exposé ici même, je commence par dire ou redire que là non plus je ne me suis mis dans le cas de procéder à une exploration archivistique (les SS ont d’ailleurs détruit un grand nombre de leurs archives ; mais certaines sources existent, notamment de nombreux témoignages, par exemple rassemblés lors des procès d’après guerre etc.). Pour ces raisons, je préfère commencer par quelques indications bibliographiques qui communiqueront d’emblée les références, du moins les principales, que j’ai utilisées. Voici donc l’essentiel des ouvrages dans lesquels j’ai puisé mes informations :

    - Heinz Höhne, L’ordre noir. Histoire de la S.S, Paris, Castermal, 1968 [1966]. Peut-être le principal ouvrage.

    - Edouard Calic, Himmler et l’empire SS, Paris éditions du nouveau monde, 2013. C’est un ouvrage de facture davantage journalistique, comportant donc un aspect de témoignage.

    - Mario R. Dederichs, Heydrich. Le visage du mal, Paris, Tallandier/Texto, 2016 [2005].

    - Eugène Kogon, L’État SS, Le système des camps de concentration allemands, Paris, Seuil, Points, 1970 [En 1946, ne première édition était intitulée L’enfer organisé] ; livre critiqué par H. Höhne, p. 121. C’est une description des tâches des SS dans les camps de concentration.

    - Martin Broszat L’État hitlérien, Paris, Fayard/Pluriel, 2012 [1970]. J’ai déjà recommandé cette étude d’ensemble, très précieuse, qui permet de se faire une idée globale de l’entreprise nazie et de sa manière particulière d’exercer une emprise « totalitaire » sur la société allemande. Sur la SS plus particulièrement, voir certains passages comme les p. 77 et suiv., qui traitent de la lutte de la SS contre les rebelles de la S.A. en avril 1931  ; et comme les p. 399 et suiv… sur l’utilisation des SS par les nazis, après la prise du pouvoir en 1933, notamment pour contrôler la police peu à peu détachée de l’État.

    - F. Neumann, Behemoth, Structure et pratique du national-socialisme, 1933-1944, Paris, Payot, 1987 [1944]. Autre ouvrage important (plus ancien). Voir les p. 503 et suiv. sur Himmler et la SS. Et il contient p. 509-512 un paragraphe sur la structure et l’histoire de la SS.

    -Saul Friedländer,  L’Allemagne nazie et les Juifs. t. 1., Les années de persécution, 1933-1939, Paris, Seuil, 1997, 

    - Jacques Delarue, Histoire de la Gestapo, Paris, éditions du Nouveau Monde, 2011.

    - Claude Quetel, Tout sur Mein Kampf, Paris Perrin, 2017 (contient quelques indications).

    Je ne cite pas aujourd’hui les ouvrages généraux sur l’histoire du IIIème Reich, signalés dans les séances précédentes (comme ceux de R. Evans ou I. Kershaw – parmi d’autres que je n’ai pas forcément cités). En revanche, pour ce qui concerne les SS, j’ai consulté, souvent avec profit, des ouvrages « grand public », par exemple certains numéros spéciaux de magasine, dans lesquels on découvre de bonnes reproductions photographiques. Je retiens notamment un recueil d’articles (modestes mais très bien faits) publiés dans la revue L’Histoire. L’intitulé du recueil est Le nazisme en questions, Paris, Arthème-Fayard / Pluriel, 2010. Voir notamment l’article de Marlis G. Steinert, p. 157-174, « Les SS, pilier du régime ? ».

    Archives de la seconde guerre mondiale, n° 3, sur Les « chevaliers noirs » du Reich.

    Voir aussi plusieurs très bons documents diffusés à la télévision, qu’on retrouvera facilement aux archives de l’INA. Je pense notamment à un document de la BBC, avec une version française de 2008, sur la garde rapprochée d’Hitler (production Nugus-Martin).

    Attention : certains des magasines dont je parle ont fait parfois appel à des auteurs assez favorables (quoique dissimulés) aux nazis...

     

    2021-8 Milices nazies (2)

    Une photo empruntée au livre de H. Höhne, pour donner l’idée de l’ampleur et de la complexité de l’organigramme du pouvoir dans la SS pendant la guerre

     

    1) Remarques préliminaires

    a) Schutzstaffel, abrévié en SS, signifie : escadron (ou escouade, ou section) de protection. En l’occurrence, lors de la création, il s’agissait de protéger la personne d’Hitler, à une époque où les groupes politiques rivaux s’affrontaient physiquement et où, pour les dirigeants, la menace d’être purement et simplement tué était permanente. La SS est donc à l’origine une sorte de garde prétorienne du chef. Avec cette caractéristique, étonnante pour nous, d’une entière dévotion de ses membres à leur groupe et aux chefs de ce groupe – ce qui est d’ailleurs en quelque sorte garanti par un serment de fidélité. Cette garde rapprochée doit - et se plaît à - obéir sans limites, en toutes circonstances, aux ordres du Führer.

    En conséquence, la SS a aussi été un soutien essentiel de l’autorité du chef Hitler, le Führer. Cela lui a permis d’exercer une réelle domination sur les autres groupes nazis, y compris les policiers et les militaires.

    La constitution de la SS en milice, sur le mode d’une troupe combattante, est sans doute typique de la dynamique de militarisation que je cherche à saisir. La  petite troupe va devenir une gigantesque armée (au sens banal et au sens strict, militaire – la SS a du reste adopté des grades très proches de ceux de l’armée officielle…

    Il faut en outre comprendre le lien originaire de la SS avec la SA, puisque la SS est créée à l’intérieur de a SA. Je rappelle à ce sujet que la SA apparaît en août 1921, puis qu’elle est supprimée après le Putsch de 1923 (le 9 novembre). Et quand Hitler, après sa détention, put la rétablir, il voulut en faire une milice (permettant d’assumer avant tout les combats de rue, qui pouvaient être sanglants, ainsi que le « travail » militant de propagande - collage d’affiches, etc.), mais non pas, comme le souhaitait Röhm, le chef de la SA, une véritable armée, destinée à remplacer l’armée officielle, et orientée dans un sens anticapitaliste, révolutionnaire et insurrectionnel. Ce désaccord entre Hitler et Röhm est très important. Il a eu de nombreuses conséquences pratiques et on peut y voir un bon révélateur de la stratégie de conquête du pouvoir mise au point par Hitler. Celui-ci pense en l’occurrence à la SA comme un instrument destiné à assurer la sécurité du parti et à promouvoir sa propagande (tout en ménageant les milieux industriels). En conclusion de ce désaccord, Röhm fut sommé de démissionner ou de se conformer, si bien qu’il démissionna en 1928 et s’exila en Bolivie, comme conseiller militaire (il avait aussi des raisons personnelles  de le faire, puisqu’en proie, nous dit-on, à une réelle dépression , notamment suite à la révélation publique de son homosexualité…).

     

    b) Pour éclairer le contexte nazi, il faut savoir que le groupe agonistique hitlérien, dès qu’il s’empare des institutions du pouvoir, se donne comme objectif premier d’investir ces institutions, de les transformer pour les asservir à ses fins (par essence anti-démocratiques), et on peut considérer comme un aboutissement de ce plan le fameux décret du 17 juin 1936, au terme duquel Himmler assume la responsabilité de toutes les forces de police allemandes (cf cours 2020, séance 4) , moyennant quoi tous les policiers peuvent intégrer le corps des SS. Avant cela, l’arrivée d’Hitler au pouvoir s’est très vite traduite par un sorte de parasitage (le mot est adéquat) des rouages de l’État par les organes et les hommes du Parti nazi. Cette destruction au moins partielle de l’État a pris plusieurs formes, la plus évidente étant la dictature (Hitler a obtenu les pleins pouvoirs par un vote du parlement, en mars 1933, ce qui signifie qu’il a désormais la capacité de prendre des décrets que le Parlement n’a pas le droit de discuter). Une autre forme, très importante dans sa configuration technique, a consisté, contre les ministères et les administrations, a créer des « agences » dotées de capacités d’organisation et de gestion, et comportant à leur tête des fidèles de Hitler. Exemple : la fonction attribuée à Baldur von Schirach, dirigeant de la Jeunesse hitlérienne, qui est, pour ce faire, mis à la tête d’un organisme doté de grands pouvoirs tandis que lui ne rendra de compte qu’au Führer.

    Himmler fut placé par Hitler à la tête des SS en 1929 et il s’efforça d’établir ce groupement sur des bases raciales très affirmatives de la supériorité des aryens sur tous les autres peuples de la terre . Des critères raciaux très stricts sont alors mobilisés pour le recrutement des membres de la SS . Ce sont des critères physiques : le candidat ne doit pas mesurer moins de 1,70m ; et des critères généalogiques : il faut prouver qu’on a des ancêtres aryens donc une ascendance sans Juifs - depuis 1750 pour les officiers, et depuis 1900 pour les grades inférieurs (Heydrich, personnage des plus venimeux, terrible, l’adjoint de Himmler, a été soupçonné un temps de ne pas satisfaire à cette condition ; mais ceci n’a pas dissuadé Himmler de le prendre à ses côtés étant donné ses grands talents d’organisateur).

    C’est le RuSHA, Le Rasse und Siedlungshauptamt, autre organe interne à la SS, qui examine et validait - ou pas - les données fournies par le candidat. Le RuSHA, dont Himmler, était l’inspirateur et dirigeait le Conseil d’administration, fut créé en décembre 1931 par Walther Darré (futur ministre de l’agriculture). Les SS étaient tenus de cotiser à l’association ; et s’ils avaient décidé de se marier, c’est logiquement auprès du RuSHA qu’ils devaient fournir les preuves de la pureté de leur liens héréditaires, c’est-à-dire de l’aryanité de leurs ascendants, en remontant jusqu’au début du XVIIIe siècle comme je viens de l’indiquer (ce qui supposait de prendre en charge des recherches spécifiques).

    Pour comprendre à quoi les SS étaient exposés dans ce contexte, on peut penser au cas d’une femme nommée Anneliese Hütteman, qui, en 1944, fut presque contrainte de renoncer à son projet d’épouser un Obersturmbannführer SS, Arthur Liebehenschel, qui n’était autre que le commandant d’Auschwitz à ce moment. Pourquoi des difficultés alors que le futur époux avait tous les titres requis  si j’ose dire? Tout simplement parce que cette dame, dix ans auparavant, en 1935, avait entretenu une relation avec un juif, relation qui avait été consignée dans un dossier que les dirigeants SS avaient pu consulter (ce qui laisse songeur sur l’efficacité de la bureaucratie prussienne...). Le mariage fut toutefois autorisé par Himmler en personne, parce que Mme Hütteman attendait un enfant… (cf. Saul Friedländer,  L’Allemagne nazie et les Juifs. t. 1., Les années de persécution, 1933-1939, Paris, Seuil, 1997,  p . 202, qui cite Josef Ackermann, Henrich Himmler als Ideologe, Gottingen, 1970 , p. 159). 

    En fait la sélection raciale s’appliquait à toute la population allemande, car un contrôle était effectué pour tous les candidats au mariage. Tous les couples allemands en passe de convoler durent bientôt établir leur degré d’aryanité et présenter au RuSHA les pièces en rapport. Après 1939, ce même organisme fut chargé de diagnostiquer l’appartenance raciale de certaines personnes et groupes vivant dans les territoires occupés. C’est lui, également, qui commandita des enlèvements d’enfants dont on était sûr de la « valeur raciale ». Si besoin était, un spécialiste juridique mettait au point la falsification de l’identité des enfants. On a estimé à près de 200 000 le nombre de ces enfants qui furent littéralement enlevés en Pologne puis déplacés dans le Reich où on s’efforçait de les « germaniser ». Les enfants étaient capturés soit chez eux, donc arrachés à leurs parents, soit dans des écoles, des hôpitaux, y compris dans la rue. Himmler justifia ces enlèvements dans son discours de Posen du 6 octobre 1943, où il annonçait : « Nous prendrons les enfants slaves et nous les emmèneront en Allemagne ». Dans le même ordre d’idées, un ordre du 14 juin 1944, signé d’Alfred Rosenberg (le théoricien du racisme et ministre des territoires conquis à l’Est) stipule qu’on va arrêter 40 000 à 50 000 enfants en URSS de plus de 10 ans, pour les envoyer en Allemagne (Didier Lazard Le procès de Nuremberg. Récit d’un témoin. Éditions Nouvelle France, Paris, 1947, p. 240).

     

    2) En suivant la chronologie.

    La SS officielle est créée le 9 novembre 1925. En 1929, toujours, lorsque Himmler en prend la tête, la SS, sous le contrôle de la SA, ne comptait que 280 hommes. Pour avoir une idée de son expansion exponentielle rapide,  disons que ce chiffre se monte à environ 10 000 en 1931, puis 52 000 en janvier 1933. Ensuite, la croissance est très remarquable, puisque la SS atteindra 2,5 millions de membres (les historiens varient sur ces chiffres, je ne les donne donc qu’avec hésitation).

    Le plus important à savoir, c’est qu’en 1929, je l’ai dit, le 6 janvier, Himmler est nommé à leur direction, comme Reichsführer-SS (sorte de Maréchal), raison pour laquelle il devient le personnage le plus puissant d’Allemagne (après Hitler), et donc le principal responsable des crimes de masse. C’est Himmler qui a accompli le génocide des Juifs et a surveillé l’application des plans conçus pour le commettre. Himmler était déjà aux côtés d’Hitler lors du putsch de 1923. En 1929, il a 28 ans. C’est lui aussi qui impose le nouvel uniforme noir en 1932 (dessiné par Hugo Boss). Mais il y a eu d’autres chefs des SS avant lui : en avril 26, Joseph Berchtold, en mars 27 Erhard Heiden. C’est en 1930, quand la SS mate la révolte des SA à Berlin, que Hitler lui donne comme devise «  Mon honneur, c’est ma fidélité ».

    Dans la période d’exercice du pouvoir nazi (Hitler Chancelier), la SS, devenue une formation autonome du parti, va comporter cinq subdivisions :

    - la SS générale, Allgemeine SS, est construite sur la base du petit groupe d’origine, qui s’est grossi jusqu’à compter 250 000 hommes en 1939. Hitler, d’après sa conception fondamentale, dont j’ai déjà parlé, pensait à une milice qu’il pourrait opposer aux communistes en cas de guerre civile. C’est dire que les SS doivent être des hommes sur lesquels on peut compter en toutes circonstances. Finalement, la menace de putsch communiste étant caduque, les SS reçurent d’autres missions : assurer la sécurité  des participants aux fêtes et aux congrès du Parti, protéger les diplomates étrangers, effectuer des gardes des usines et d’autres points sensibles comme les ponts ou d’autres ouvrages d’art, etc.(ceci pendant la guerre).

    - la Waffen SS, la SS de combat, qui finira par avoir plusieurs divisions, chacune dotée d’un armement très efficace (des chars d’assaut etc. : on se souvient, hélas, de la division Das Reich, qui a commis le massacre d’Oradour-sur-Glane en juin 1944). Cette branche est nommée officiellement SS-VT (Verfügnungstruppe).

    - les SS Totenkopf (« tête de mort »), surveillent les camps de concentration, avec le zèle que l’on sait.

    - Il y eut aussi le service de sûreté, le S.D. Sicherheitsdienst, depuis 1931 (inspiré par d’autres services de ce type dans le parti et dans la SA). C’est Heydrich qui en est chargé avec l’objectif de débusquer dans le parti saboteurs et agents infiltrés. C’est donc à l’origine un service de contre espionnage dirigé vers l’intérieur du Parti, pour démasquer et châtier d’éventuels ennemis.

    - Le RuSHA, l’administration raciale – évoquée ci-dessus.

    - Un sixième organe sera plus tard consacré à l’économie (la SS fut aussi acteur de diverses transactions commerciales… dont certaines consistaient à monnayer auprès de certaines entreprises les esclaves enfermés dans les camps de concentration).

     

    3) En fait, le problème de constituer une garde personnelle efficace pour protéger Hitler ne cessera pas de se poser tout au long de cette période, sauf qu’après la création et le développement de la SS, aucune solution ne sera envisagée hors de la SS.

    Dès ses débuts, le parti nazi dispose d’Ordnertruppe (pluriel), une sorte de service d’ordre, composée de ce que nous appellerions aujourd’hui, en langage familier, des « gros bras », et qui se présente comme une « Division gymnastique et sportive », sans doute pour bien marquer qu’il ne s’agit pas d’un groupe paramilitaire (ce genre d’association étant interdit après la défaite de 1918). C’est la première garde d’Hitler. Elle est alors dirigée par Ulrich Graff (qui prendra lors du Putsch les balles destinées à Hitler ; il a fait rempart de son corps, réflexe sacrificiel qui rappelle celui de l’aide de camp Muiron en faveur du général Bonaparte au pont d’Arcole, en 1796…). Les Ordnertruppe sont surnommés « service d’ordre des salles ». Leur tâche consiste en effet à affronter et exclure les perturbateurs qui viennent dans les réunions pour déclencher des bagarres et s’en prendre physiquement - et très violemment - aux orateurs. Exemple : le 4 novembre 1921 éclate une rixe avec les communistes, dans laquelle Hitler se fait tirer dessus, puis riposte avec son arme. Dans cet échange de coups de feu sont blessés deux fidèles d’Hitler, Emile Maurice et Rudolph Hess. Hitler en profite pour se féliciter du courage et de la totale abnégation de ses gardes du corps qui se sont jetés à corps perdu, c’est le cas de le dire, dans la bataille, au mépris de leurs propres blessures sanglantes et jusqu’à la limite de leurs forces. Emile Maurice était le chauffeur d’Hitler - probablement aussi son rival dans l’amour d’Angela Rauball, dite Gelly, fille de la demi-sœur d’Hitler, donc sa nièce (qui finira suicidée – mais on n’a jamais su le fin mot de l’histoire : elle fut peut-être assassinée).

    Les Ordnertruppe avaient un effectif de 30 membres dont Julius Schreck, Joseph Berchtold, Joseph (ou « Sepp ») Dietrich, Rudolph Hess. Ils furent les premiers à recevoir l’emblème de la tête de mort. En mars 1923, quelques mois avant la tentative du « putsch de la brasserie », les Ordnertruppe furent remplacées par un service de protection personnelle, le « corps de garde », Stabswache, qui devint lui-même, deux mois plus tard, la Stosstrupp Adolf Hitler (Stoss  signifie assaut). L’auteur de cette innovation, Göring, alors à la tête de la S.A. (en remplacement de Röhm), avait pour ce faire sélectionné certains hommes de la SA. Cette troupe nouvelle prêtait serment au Führer et elle était dotée d’un uniforme dont la casquette, à nouveau, comportait la tête de mort. Ce signe, je ne l’ai pas encore précisé, devait évoquer le prestige des anciens hussards prussiens. On peut dire aussi que la tête de mort révèle un rapport typique à la mort : une mort que l’on peut donner et que l’on ne craint pas de recevoir.

    Disparue avec la S.A. après le putsch, la Stabwache fut recréée en 1925. Elle était alors composée d’unités de 8 hommes et était dirigée par un ancien de la Stosstrupp, que je viens de nommer : Julius Schreck. Ce sera bientôt la Schutzstaffel, la SS. C’est en effet en 1925, lors de la refondation du Parti, une fois Hitler sorti de prison et autorisé à reprendre ses activités politiques, que sont créés les SS en tant qu’équipe (ou Kommando) chargé d’escorter le Führer, de le protéger. Ils sont alors une centaine, puis s’augmentent jusqu’à 280. Bruno Geshe (ou Geishe) en est le chef. Ce proche d’Hitler, qui restera longtemps son garde du corps personnel, est un semi-débile alcoolique, qui suscitera d’ailleurs à ce poste des sentiments de rivalité très hostiles de la part d’Himmler – qui lui enjoindra à plusieurs reprises de cesser toute consommation d’alcool. Les SS portent alors une casquette noire avec la tête de mort sur deux os croisés, et un uniforme gris. Ce sera ensuite, imposé par Himmler, l’uniforme noir dessiné par Hugo Boss (dont la marque est toujours très présente aujourd’hui y compris en France), avec des bottes noires. Les SS, encore en petit nombre et subordonnées aux SA, bien plus nombreux se donnent malgré cela comme l’élite du Parti.

    La constitution d’une garde rapprochée pour Hitler ne cesse pas de se poser pour autant. En février 1932, Hitler recrute dans la SS 8 personnes chargées de veiller sur lui jour et nuit, 24 h sur 24 (ils se relaient toutes les huit heures). C’est le Begleitkommando (begleiten = accompagner). Geishe, toujours lui, le dirige. Ensuite, le 17 mars 1933, Hitler crée parmi ces SS la Leibstandarte SS, un régiment de 120 hommes dirigé cette fois par Sepp Dietrich (autre nom cité plus haut). C’est un autre ancien des corps francs, en l’occurrence le Corps Franc Oberland qui a sévi contre les « Rouges » à Berlin. Sepp Dietrich a participé aux associations d’anciens Corps Francs, et c’est là qu’il a rencontré Hitler. La Leibstandarte SS comporte un millier d’hommes, qui sont basés à la caserne de Lichterfelde, un quartier de Berlin.

    Ensuite de cela, avec les policiers en civil de Bavière, Himmler crée le Führerschutzkommando, dont est nommé chef le capitaine Johan Rattenhuber. Ce kommando devient ensuite un service séparé, le Reichsicherheitsdienst, RSD, service de sécurité du Reich qui, sous la houlette d’Himmler, est chargé de déjouer les complots, donc faire des enquêtes, surveiller les endroits clés où Hitler doit apparaître, à savoir toutes sortes de bâtiments  (des brasseries, etc.). Évidemment, ces enquêteurs spécialisés de la police, avec Himmler lui-même, ne voient pas d’un très bon œil la garde rapprochée et son chef Bruno Geishe. Cela dit, lorsque Hitler se déplace, toute une organisation s’active en même temps que le Begleitkommando et le RSD. Tout au long des rues où Hitler paraît, et où il y a foule pour l’applaudir, la « sécurité » place un SS tous les 3 hommes, et elle dispose en plus des tireurs sur les toits. La voiture d’Hitler (qui se tient toujours debout  pour faire des saluts à la foule et montrer qu’il n’a peur de rien!) est précédé de 50 mètres par un véhicule qui déclenche le garde-à-vous, etc.

    (La suite à l’automne...)

     

     

     

     


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