• 2019-2 Le baccalauréat (2)

    Séance 2

     

    CHAPITRE 4

    LE BACCALAUREAT

    (suite et fin)

     

     

    Je poursuis aujourd’hui l’étude des évolutions formelles de l’examen du baccalauréat. Je vais proposer ci-dessous une chronologie de ces évolutions, et, en passant, je pourrai pointer différents indices de la tension entre les choix classiques (les lettres au sens des langues anciennes et du latin) et les choix modernes ou modernistes (la langue française et les sciences) tout au long de cette période, un problème que mes explications de l’an passé ont déjà amplement soulevé.

    Avant cela, je résume - et complète - mon propos de la première séance, en me servant à nouveau d’un auteur (que je tire de l’oubli : un archéologue qui fut tout de même professeur au Collège de France), Charles Lenormant, dont le fils a réuni plusieurs articles dans un livre posthume, publié en 1873, et intitulé Essais sur l’instruction publique. Ch. Lenormant est intéressant parce qu’il s’est penché au milieu du XIXe siècle sur le tour pris à son époque par les études classiques et notamment les enseignements de langues anciennes (sa spécialité), ce qui l’a amené à faire des remarques critiques conformes à celles que j’ai indiquées. Il s’est désolé du désintérêt pour le latin, et, surtout, il a comme d’autres prononcé une condamnation du baccalauréat, pour plusieurs raisons, d’abord l’importance prise par le diplôme dans le société, ensuite la fait que l’examen supposait un entraînement factice destiné à mémoriser les réponses aux questions prévues. Voici d’abord deux extraits d’un article de  1847 (chapitre II dans le livre, intitulé «  Du certificat d’aptitude » :

     

    « Le Parlement défendait autrefois de traduire en français les Pandectes [un recueil de textes juridiques romains compilé par l’Empereur Justinien] ; aujourd’hui on a si bien tout traduit, tout francisé que rien n’est plus facile que de prendre ses grades en droit romain sans lire un mot de latin. » (p. 235).

    Et puis ceci :

    « Dès la Troisième, lorsque l’écolier n’a guère que 15 ans, cette préoccupation de l’examen vient tout troubler (…) Il ne s’agit déjà plus de s’instruire, il s’agit de répondre (…) il se contente d’apprendre par cœur. » (p. 245). 

     

    Ensuite, autre extrait, un article de 1845 intitulé « De l’enseignement des langues anciennes » (chapitre I dans le livre) :

     

    « …la foule des écoliers, qui n’a rien appris et qui doit forcément passer ce Rubicon, est obligé de recourir à des procédés factices, à un replâtrage trompeur ; des jeunes gens qui n’ont pas même suivi un cours régulier d’études sont placés dans un collège, afin d’y accomplir la condition exigée de deux années dans les classes supérieures [la rhétorique et la philosophe à cette époque] d’un établissement de plein exercice [ceux qui possèdent de telles classes]. Après qu’ils ont ainsi tué le temps pour complaire aux règlements, ils passent aux mains d’entrepreneurs de baccalauréat qui se chargent de mettre, en six mois, l’être le plus inepte en état de répondre aux questions des examinateurs ; et ils réussissent plus souvent qu’ils n’échouent dans leur entreprise » (p. 154-155)

     

    On aura compris qu’en donnant ces textes à lire, et en insistant, comme je l’ai déjà fait la dernière fois, sur ces critiques du bac, j’aimerais faire comprendre à quel point le collège et le lycée classiques n’ont pas été les havres du savoir et de l’éducation distinguée qu’on nous vante parfois aujourd’hui.

    Ceci pourrait en outre nous inciter à une réflexion sur la différence entre nos débats et nos doutes d’hier, et ceux d’aujourd’hui. Il est assez amusant de constater que les questions récurrentes et urgentes d’autrefois (la nécessité de l’enseignement des langues anciennes, la valeur suprême de la culture de l’antiquité, etc.), ont été totalement oubliées et ont laissé place à d’autres questions, à d’autres débats, que certainement les défenseurs de l’enseignement classique auraient méprisées, je veux dire les débats sur la meilleurs manière de faire réussir le plus grand nombre possible d’élèves dans chaque classe d’âge, débats qui, au contraire de ceux du XIXe siècle, se dispensent  de toute réflexion sur le contenu éducatif et culturel des enseignements. Seul compte désormais l’obtention du diplôme, quel que soit le contenu des enseignements… J’exagère  un peu, mais à peine. Nous sommes quand même sous l’empire du consumérisme et de l’utilitarisme scolaires…

     

    2) Comment les épreuves du baccalauréat ont-elles été conçues, et comment ont-elles évolué ? Voici une possible chronologie. Pour l’établir, je puise dans les principaux textes cités en commençant, ceux de J-B. Piobetta, et d’O. Gréard, auxquels j’ajoute les indications (parfois trop touffues) de F. Ponteil.

    Au début, je l’ai dit, y compris après 1815, n’est guère prévue pour le bac qu’une seule épreuve, orale et très facile nous dit-on. Ce sont les professeurs des facultés (pures créatures de l’Université napoléonienne si l’on veut) qui font passer l’épreuve ;  et ils sont en général très indulgents.

    Dans les académies sans faculté, un jury (nommé « commission d’examen ») existe quand même et se compose du proviseur comme « doyen » (pour nous, c’est un président de jury), du censeur, du professeur de philosophie et du professeur de rhétorique du chef lieu. Dans ce cas, les élèves ont donc face à eux leur propres maîtres. Sinon, le jury est situé à la faculté de l’académie ; et à Paris il s’agissait des professeurs « de premier ordre » des lycées, qui faisaient de droit partie de la faculté. Dans tous les cas, le proviseur et le censeur étaient associés à la commission.

     

    1810

    D’après le statut du 16 février 1810 (cf. O. Gréard, op. cit., p. 72) : l’examen devait durer entre une demi heure et trois quarts d’heure et se produire sur la base de questions relatives aux enseignements des « hautes classes » des lycées, c’est-à-dire à ce moment la rhétorique et la philosophie.

    En l’occurrence, le candidat devait fournir des réponses plus ou moins attendues donc apprises pour être restituées le plus fidèlement possible. Pour les lettres, le candidat devait subir un interrogatoire sur un texte vu en classe. Le professeur pouvait interroger plusieurs élèves à la fois.

    Avec les professeurs des facultés, très indulgents nous répète-t-on, des élèves arrivés à un niveau inférieur dans le cursus, avant même la rhétorique (y compris en 4ème avons-nous constaté) pouvaient se décider à suivre les leçons d’une « fabrique de bacheliers », et parvenaient ensuite à faire bonne figure à l’examen. Qu’en déduire d’étonnant par rapport à nos habitudes actuelles, fixées depuis très longtemps ? Que l’enseignement dispensé avant 1850 (en gros) dans certaines classes, y compris celle de philosophie, n’est pas engagé ou l’est très peu, dans les connaissances exigibles à l’examen.

     

    1820, 1821

    D’après le statut de 1820, l’examen, qui reste oral, s’étend désormais à toutes les matières enseignées dans les « classes supérieures » : et on range désormais dans cette catégorie les humanités d’abord, puis les matières précédemment retenues, la rhétorique et la philosophie. En 1820, par ailleurs, pour se présenter à l’examen, il est obligatoire de fournir un certificat attestant de la fréquentation pendant un an au moins d’une classe de philosophie (voir la citation de Ch. Lenormant). Mais ensuite cette mesure est adoucie dans la mesure où on laisse la possibilité à ceux qui ont reçu une autre instruction qu’au collège de présenter le « certificat d’études domestiques » auquel j’ai fait allusion. D’autres facilitations suivront, relatives aux pensions privées et aux petits séminaires. Ainsi le monopole de l’Etat est-il progressivement entamé.

    En 1821, suite au règlement du 13 mars, on ajoute aux matières de l’examen l’histoire et la géographie, puis, d’abord à titre facultatif mais ensuite comme une obligation, les mathématiques et la physique. A ce moment il est aussi décidé que l’examen de philosophie se passera en latin, ce qui va rester valable pendant 10 ans. La durée de l’examen est toujours de ¾ d’heure maximum, mais maintenant, on ne peut interroger qu’un candidat à la fois. Le même règlement prescrit que les épreuves sont mises en séries numériques. Plus tard, en 1840, cela aboutira à 500 numéros de  questions.

    Au début, pour se présenter au bac ès-sciences il faut détenir le bac ès-lettres. A l’examen du bac ès-sciences, il faut répondre sur l’arithmétique, la géométrie, la trigonométrie rectiligne, l’algèbre et son application à la géométrie, qu’on enseigne en mathématiques élémentaires. Mais c’est alors un bac peu recherché (de 1809 à 1818, on a décerné 143 diplômes seulement). En 1820 les deux bacs sont exigés pour s’inscrire en médecine. Mais le 25 septembre 1821 le Conseil royal crée, en plus du bac es-sciences mathématiques, un bac de sciences physiques et naturelles, exigé pour accéder aux études de médecine. Dans le programme, on inclut les mathématiques de la classe de philosophie, plus la physique, la chimie, la zoologie, la botanique, la minéralogie… Pour les étudiants en médecine, une ordonnance du 18 janvier 1831 ne fait plus référence à l’obligation de détenir le bac ès-sciences. Puis, en 1836, d’après l’ordonnance du 9 août, tout étudiant en médecine  ne peut passer son premier examen que s’il  détient les deux diplômes. C’est alors qu’un arrêté, le 23 février 1837, crée un autre bac ès- sciences, pour les candidats à l’agrégation de philosophie (cf. F. Ponteil, op. cit., p. 183), bac analogue à celui exigé pour les études de médecine, avec en moins la chimie et l’histoire naturelle.

     

    1830

    Première apparition d’une épreuve écrite. Un arrêté du 9 juillet prescrit que tout candidat « sera tenu d’écrire instantanément un morceau en français, soit de sa composition, soit en traduisant un passage d’auteur classique » (cité par J.-B. Piobetta, op. cit., p. 63). C’est donc une composition ou une traduction. Par ailleurs l’examen de philosophie en latin est remplacé par un examen en français. Signe (pas le premier) de l’hésitation et de la tergiversation (dont je dis en commençant qu’il faut y être attentif parce que c’est une donnée typique de ces époques), qui fait alterner choix du français ou choix du latin. Cette tension se fera sentir tout au long du siècle, jusqu’à ce que la réforme de 1902 tranche dans le vif, sans d’ailleurs apaiser le conflit entre les parties prenantes.

    Dans le volume que j’ai souvent utilisé, le Patrimoine de l’éducation nationale, vous trouverez p. 442 la reproduction d’un cahier de philosophie rempli par un élève de cette époque ou un peu avant ; et vous lirez sur la notice que l’enseignement philosophique se produit  originairement en complément de la rhétorique et qu’il ne devient autonome qu’à partir de 1830, moment où il a alors place dans l’épreuve orale du baccalauréat.

     

    1840

    Comme les facultés, peu nombreuses, et éloignées de certains collèges en province, étaient souvent difficiles à joindre avant l’existence des chemins de fer, on créa des jurys où siégeaient des professeurs de collège avec un proviseur comme président, qui donc faisaient passer les épreuves à leurs propres élèves (sans doute est-ce une valorisation institutionnelle de ces professeurs), mais avec l’inconvénient grave d’encourir une suspicion de favoritisme, comme dit G. Weill (op. cit., p. 93). Pour endiguer cette tendance (du moins est-ce une des manières de comprendre cette innovation), Cousin introduisit en 1840 pour le baccalauréat ès-lettres une épreuve écrite de version latine semblable à celle qu’on pouvait faire en rhétorique (« de la même force et de la même étendue que celles qui se donnent en rhétorique »). Ceci, de fait, renforçait considérablement le poids du latin (toujours la donnée essentielle dans la perspective culturelle que je souhaite développer ici). Cousin décida aussi que cette épreuve serait éliminatoire, donc qu’elle permettrait ou pas d’accéder à la partie orale, qui subsistait. Avant cela, en 1830, je l’ai dit, il était déjà prévu une épreuve écrite, mais qui était soit une version, la traduction d’un auteur classique, soit une composition en français. Il faut donc souligner, en accord avec O. Gréard (op. cit., p. 77), qu’en 1830, dans l’explication orale, une place de choix est accordée aux classiques français, mais qu’en 1840, la latin revient à nouveau en force dans l’examen écrit (pas  oral on va le voir !).

    On peut dire qu’après la création de 1808 et le statut de 1820, la réforme de 1840 est le troisième repère chronologique important pour représenter les transformations de l’examen, au niveau des épreuves que les élèves subissent.

    L’histoire naturelle et la chimie sont ajoutées au programme de philosophie, qui comporte déjà la physique. Il y a aussi des questions nouvelles de logique pour la partie consacrée à la philosophie. Remarquez le phénomène de multiplication des disciplines qui correspond au phénomène plus profond de spécialisation des enseignements et des enseignants (voyez la création des nouvelles agréations, justement dans ces années – histoire et philosophie notamment).

    A l’oral, en 1840, il y a en outre deux parties. D’une part, seconde partie, la série des interrogations qu’on peut dire traditionnelles, et d’autre part, premier partie, l’explication de texte, où le français et les auteurs français sont cette fois présents et commencent par conséquent d’occuper une place au moins aussi importante que le latin (j’insiste à nouveau sur ce fait). Le règlement du 14 juillet 1840 évoque en ce sens l’enseignement des auteurs français, qualifiés de « grands maîtres de la littérature française » (cité par J.-P. Piobetta, idem, p. 65). Cousin lui-même y insiste en écrivant ceci : au baccalauréat dit-il, on

     

    « considèrera les chefs d’œuvre de notre langue sous un point de vue littéraire et même :  philologique, comme on le fait pour les chefs d’œuvre de l’antiquité. Je compte sur cette mesure pour affermir et accroître dans nos Ecoles la connaissance et le respect de la langue nationale, de cette langue qui se prête à l’expression de toutes les pensées, quand elles sont justes et vraies et qui ne repousse que l’exagération et le faux dans les sentiments et dans les idées. ». (cité par J.-B. Piobetta, idem).

     

    Cousin explique en outre, concernant les programmes des études littéraires, que celles-ci ne peuvent plus se limiter à la rhétorique ancienne, l’éloquence antique, mais qu’elles doivent être une incitation à l’art d’écrire et s’attacher en outre « jusqu’à un certain point, à l’histoire de la littérature ». Remarquons ici l’affirmation nette de l’histoire littéraire qu’on pense souvent introduite seulement quelques décennies plus tard, au tournant des XIX et XXe siècles,  par Gustave Lanson ! Il y a peut-être là également un pan de l’histoire culturelle de l’école à nuancer.

    En 1848, pour renforcer les garanties, on double l’épreuve écrite : outre la version, il y a une composition en français ou latin selon tirage au sort. Et bientôt le latin devient exclusif. 2h pour la version, 4 pour la composition. Et l’oral a lieu le lendemain, d’une durée maximum d’une heure.

     

    1849

    Le certificat d’étude, déjà remis en question un an plus tôt, est définitivement aboli par un décret du 16 novembre. Désormais, la seule condition pour pouvoir se présenter à l’examen du baccalauréat, c’est donc d’avoir atteint l’âge de 16 ans (18 ans sera sérieusement envisagé plus tard et donnera lieu à des débats houleux, mais une telle condition sera refusée par les membres du corps législatif).

    Selon l’arrêté du 26 novembre 1849 (en rapport avec le règlement de 1840), sont prévues trois séries d’épreuve. A l’écrit, une version latine, qui demeure éliminatoire, ensuite à l’oral, les deux séries de questions.

    Un témoignage exceptionnel (et d’une grande drôlerie) sur l’examen passé par un élève sous ce régime, en 1850 exactement, est fourni par Jules Vallès, dans L’enfant (texte de 1878 que je cite dans l’édition Garnier-Flammarion de 1968, p. 298-300). L’examen passé par Vallès (Jacques Vingtras) se déroule à la faculté de Rennes. A l’écrit, Vallès a fait une version. Il ne parle donc que d’une seule épreuve écrite. Il arrive second, et s’il n’est pas le premier c’est qu’il a encore traduit « trop près du texte » (p. 298). L’après-midi même des résultats, il est convoqué pour la partie orale, qui commence par le tirage au sort des questions (il tire les « boules » avec les numéros des questions – pour saisir ce système, voir ci-dessous). D’abord des traductions (la première partie). Il est excellent ce qui lui vaut les compliments publics appuyés du « doyen » : « vous avez été bercé sur les genoux d’une tête universitaire » ; vous vous êtes « abreuvé aux grandes sources », etc. Puis vient la deuxième partie, les interrogations. Vallès passe devant le professeur de mathématiques, auprès de qui il ne fait pas si bonne figure, quoique les éloges précédents semblent avoir intimidé les examinateurs. Vallès répond maladroitement à diverses questions, et il doit ensuite démontrer la section d’un cône. Réponse du professeur :  « on voit que vous préférez Virgile à Pythagore… » (p. 299). Arrive alors le tour de la philosophie, avec le professeur Gendre, « jaune comme un coing ». Et c’est là que les choses se gâtent. En effet, à la question : combien y a-t-il de facultés de l’âme ? Vallès répond huit, ce que lui a enseigné son professeur, M. Chalmat, un original ! Or tout le monde sursaute (« Stupeur dans l’auditoire, agitation au banc des examinateurs », p. 299), car la bonne doctrine, admise, partagée, connue, énumère non pas huit mais sept facultés ! Réaction du professeur Gendre : « Vous ne faites pas honneur à la source des hautes études à laquelle M. le doyen vous félicitait si généreusement de vous être abreuvé, tout à l’heure. Dans le collège de Paris où vous étiez, il y en avait peut-être huit, monsieur. Nous n’en avons que sept en province. » (p. 300, souligné par l’auteur). Constatons la mesquine vengeance du professeur, qui gère sa frustration de n’être, et de n’être considéré par le doyen que comme un… provincial ! Conclusion : Vallès, est refusé, il devra donc « se présenter à une autre session » ; ce qu’il commente ensuite avec humour en disant : j’ai joué avec l’âme et renversé « les bases sur lesquelles repose la conscience humaine »… Quelle ironie réjouissante ! Je ne saurais dire à quel point j’apprécie cette pique dirigée contre les philosophes académiques de cette époque (et peut-être la nôtre) auxquels il arrive souvent d’être infatués donc grotesques.

     

    1852, 1857

    Fortoul instaure la « bifurcation » (arrêté du 30 août 1852) dont j’ai parlé précisément l’an passé (séance 12) : pour les élèves, il y a deux voies possible après la 4ème (et après un examen de grammaire c’est-à-dire de latin) : une voie littéraire et une voie scientifique – deux voies qui toutefois admettent encore des leçons communes de lettres, cinq fois par semaine. De là se déduisent deux bacs distincts et, pour la première fois, le bac ès-lettres n’est plus indispensable pour se présenter au bac ès-sciences (cf. plus haut sur 1820 et 1821 ; en 1821 avait été créé un bac de sciences physiques et naturelles à côté du bac déjà existant de sciences mathématiques, cela pour satisfaire le souhait des facultés de médecine). Il y a sur ce sujet toutes sortes de complications que je n’analyse pas. Le bac scientifique comporte lui-même deux écrits, dont une épreuve littéraire, une version latine. Et les épreuves de l’oral comportent aussi ces deux domaines de questions.

    Fortoul crée aussi (cette fois très clairement, d’après le règlement du 5 septembre 1852) une seconde épreuve écrite pour les lettres. Ce sera, après tirage au sort, soit une composition française soit une composition latine.

    Et les matières de l’épreuve ? Elles ne changent pas beaucoup d’après l’arrêté du 10 avril sur le plan d’études des lycées, et le règlement du 5 septembre. L’examen (à la faculté des lettres) comporte donc au total les épreuves suivantes : à l’écrit, une version latine, et en plus une composition latine ou française - suivant tirage au sort, je viens de le dire ; et à l’oral : une explication de textes (grecs, latins, français) et les questions de logique, d’histoire, de géographie, d’arithmétique, de géométrie et de physique élémentaire. La partie scientifique peut être supprimée pour les candidats au bac ès-lettres.

    En 1857, autre transformation : la seconde épreuve écrite sera une épreuve typique de rhétorique classique : le discours latin. A nouveau (excusez-moi de seriner un peu !) j’affirme l’intérêt d’observer ces oscillations, disons ces tergiversations, si caractéristiques, qui font qu’on passe alternativement du latin au français et du français au latin. Là réside en grande partie le ressort de l’évolution de la culture scolaire au XIXe siècle. J’en ai déjà parlé à plusieurs reprises, donc je ne m’y arrête plus. C’est l’autre débat important, parallèlement au débat que je me contente de rappeler, celui entre lettres et/ ou sciences…

     

    Remarque

    En m’arrêtant à ces repères, j’ai bien conscience que je ne vous informe que du cadre formel de l’examen à travers ses changements. Il resterait à étudier les pratiques : les jurys (quels professeurs ?), les matières et les questions qui les visent, la passation des épreuves, etc. J’en ai donné un petit avant goût en évoquant le bac passé par Jules Vallès à Rennes. Le livre de J.-B. Piobetta comporte d’assez bonnes descriptions à ce niveau. On peut s’y reporter avec profit.

     

    1864

    En 1863, le ministre Duruy décide que tel jour, à telle heure, au moins une fois par session, les candidats au bac auront pour la composition écrite en lettres comme en science un même sujet dans toutes les facultés, partout en France (J.-B. Piobetta, op. cit., p. 116). Il réalise ainsi ce que Cousin, c’est bien connu, avait si ardemment souhaité. Et c’est de l’observation comparative des copies collectées partout en France et toutes rédigées sur le sujet unique que vont sortir les réformes suivantes.

    Le décret du 27 novembre 1864 ne prévoit pour matières d’examen que celles enseignées dans les classes de rhétorique, de philosophie et de mathématiques élémentaires. Et ce décret dispense des épreuves littéraires tout candidat au bac ès-lettres qui a eu le prix d’honneur au concours général en classe de rhétorique ou de philosophie, de même qu’il dispense des épreuves scientifiques tout candidat au bac ès-sciences qui a obtenu le prix d’honneur au concours général en sciences.

    Le règlement du 28 novembre ajoute une troisième épreuve à l’écrit. Ce qui donne au total : une version latine (épreuve de 2 heures), une composition latine (3 heures), et une composition française sur un sujet de philosophie (4 heures). Encore le rapport complexe et tiraillé entre latin et français ! Une épreuve de langue vivante facultative est prévue à l’oral – donc à la demande des candidats. A l’oral, le système des questions est définitivement abandonné, et, de ce fait, le tirage au sort subi le même… sort. En même temps, je l’ai déjà dit plus haut, les interrogations ne porteront plus que sur les matières des deux dernières classes, rhétorique et philosophie, pour le bac ès-lettres (la philosophie étant restaurée, après la cure réactionnaire de la « Logique » sous l’Empire autoritaire), ou encore mathématiques élémentaires.

     

    1874

    Autre repère essentiel, naissance d’un  nouveau système appelé à un bel avenir : il y aura pour le bac ès-lettres deux épreuves distinctes et séparées dans le temps du cursus : l’une se déroulera après la rhétorique, l’autre après la philosophie. C’est le système des deux bacs qui a duré si longtemps, jusque dans les années 1960. On pensait ainsi contraindre les candidats à prolonger leurs études (reportez-vous à nouveau aux critiques de Ch. Lenormant citées plus haut en commençant). Cela dit, une grave réserve, émise par exemple par E. Raunié (op. cit., p. 199), consiste à rétorquer que, dans ce système, c’est maintenant la rhétorique qui est entamée, alors qu’auparavant c’était la philosophie.

    A ce moment, d’après Ernest Bersot (cité par O . Gréard), 60 % des candidats ne sont pas admis ; ils restent en dessous du niveau requis pour la rhétorique. Voici les chiffres donnés par O. Gréard pour les années 1878 à 1884, avec des variations selon les facultés où l’élève a subi l’examen. Bac lettres : pour la 1ère partie, on a de 36,18% à 41,88% de reçus, et pour la 2ème partie, il y a de 43,63% à 48,19 % de reçus. Au bac sciences, on a de 34%,62 à 38,80% de reçus. Mais sachant que parmi les reçus il y a ceux qui passent le bac pour la deuxième fois, il faut baisser ces chiffres de 10% à peu près. Il y a donc beaucoup et même énormément d’élèves faibles (à méditer par les mécontents professionnels d’aujourd’hui qui s’illusionnent en pensant à un lycée idéal du XIXe siècle). C’est au point que, dans les facultés de lettres, les professeurs se plaignent, et ils disent souvent, qu’ils doivent réapprendre aux étudiants les bases de l’enseignement secondaire classique. Encore un débat qui doit susciter des interrogations eu égard à ce qui nous désole aujourd’hui. En tout cas, poursuit O. Gréard (op. cit., p. 209), après le bac, les élèves considèrent que leurs études sont terminées.

     

    Remarque 1

    Voici un exemple de manuel offrant des modèles de rédactions écrites sur des sujets d’examen dans cette période où on passe le premier bac en rhétorique et le second après la philosophie. C’est le Recueil de compositions françaises en vue du baccalauréat ès-lettres, par E. de Calonne, professeur de littérature au lycée Saint-Louis, publié en 1884. Ce livre contient un grand nombre de corrigés sur des questions relatives à la littérature française ; ces corrigés sont de brefs et très beaux, très documentés, très érudits textes d’analyse littéraire. On est dans l’optique de la rhétorique classique, sauf que c’est en français, donc toujours à base d’exercices de narration dans le genre épistolaire. 1ère question en ce sens : « Lettre de Patru à Boileau pour le détourner d’écrire un Art poétique ». 2ème question ; typique de la nouvelle tendance d’analyse littéraire sur textes français : « Le caractère du Lion dans les fables de La Fontaine ». 3ème question : histoire littéraire : « Que  savez-vous des ennemis de Racine ?». etc. La langue française, les auteurs français, ce genre de question sont ici dominants. Mais l’exercice est très difficile. Question n° 50 : « Térence et Molière pour les critiques du XVIIe siècle ». On peut raisonnablement penser que les élèves et candidats bacheliers étaient très loin d’atteindre le niveau de ces excellents corrigés. Peut-être n’était-ce pas le cas des élèves qui préparaient le concours d’entrée à l’ENS. On devrait pouvoir trouver des exemples de copies de futurs normaliens lorsque les auteurs  sont devenus connus par la suite. Je pense notamment à Péguy. 

     

    Remarque 2

    Je suis peu loquace sur les réalités pratiques de l’examen, contrairement à ce que j’ai annoncé en général dans ce cours. Mais je vais au moins dire un mot sur le tirage au sort. Je m’appuie sur le même mémoire d’O. Gréard (op. cit., p. 79 et suiv.). En 1820, pour rendre fiables les appréciations des juges, on imagina les séries numérotées de questions auxquelles j’ai fait allusion. Les questions ne pouvaient pas être le fait des examinateurs ; elles leur étaient imposées à eux aussi. Le candidat tirait une boule par matière, et cela décidait de ce qu’on allait lui poser comme question. D’après le règlement de 1840, on devait disposer de trois urnes avec les des boules portant des numéros renvoyant à la série des questions. « Chaque boule qui sera extraite des urnes indiquera la question à laquelle le candidat devra répondre ». En d’autres termes, tel numéro de boule, telle question. Par la suite, il y eut plusieurs questions par numéro, pour ne pas condamner un candidat sur un seul sujet qu’il n’aurait pas su traiter. Par exemple, en histoire, on a imaginé une question d’histoire ancienne, une question d’histoire du Moyen Age et une question d’histoire moderne et une question de géographie. Si bien que devait être ajourné le candidat incapable de répondre aux différentes questions comprises dans le numéro.

    En 1840, après la réforme de V. Cousin, le nombre total des questions était très élevé. 500, dit J.-B. Piobetta (op. cit., p. 69), dont 150 pour l’épreuve d’explication, et 350 pour les autres matières. O. Gréard affirme qu’on est passé de 400 à 146 numéros, puis à 69 (il cite J. Simon La réforme de l’enseignement secondaire, p. 74 – mais je ne suis pas allé rechercher cette référence).

    C’est alors qu’une industrie florissante émergea, et comme le raconte O. Gréard (op. cit., p. 82) :

     

    « Une industrie s’était formée qui, à l’aide de Manuels, se chargeait de préparer les jeunes gens en quelques mois, à forfait. Bien plus, des faussaires de métier parcouraient les facultés, se présentant sous des signatures empruntées, changeant de nom, d’âge et de condition, et passant un examen, bon ou médiocre, selon le prix. »

     

    Pour endiguer ces phénomènes, et surtout la fraude, l’Etat prit diverses mesures : ne plus indiquer sur la liste des oeuvres les passages sur lesquels les élèves pouvaient être interrogés (le candidat tirait au sort l’ouvrage et l’examinateur pouvait choisir le passage à expliquer), interdiction des cours préparatoires, obligation de fournir avant l’examen des déclarations d’identité, obligation de fournir un certificat d’études précédé par une demande rédigée et signée par le candidat avec ses noms et prénoms, obligation de passer l’examen au chef lieu de l’académie où le candidat avait achevé ses études ou bien à celle de son domicile connu…

    Au début du bac, le procédé des boules était aussi utilisé pour décider le résultat. Les examinateurs, une fois le candidat interrogé, avaient le choix entre une boule rouge (admission), une boule blanche (abstention) et une boule noire (refus).

     

    1880

    D’abord on impose trois parties à l’écrit du premier bac (division des deux bacs maintenue, donc) : une version latine, une composition française, un thème anglais ou allemand. Or ceci signifie que, cette fois, le discours latin est relégué, supprimé, et qu’il est bel et bien remplacé par la composition française, sans aucun tirage au sort. Je reviendrai sur les attendus et les conséquences de cette innovation essentielle – une quasi révolution dans l’histoire de la culture scolaire. Avec les républicains au pouvoir, la très grande nouveauté est en outre celle du baccalauréat de l’enseignement secondaire spécial (enseignement créé par V. Duruy en 1865 mais alors conclu par un diplôme de fin d’études). Les candidats étaient dans ce cas interrogés à l’oral soit sur les lettres soit sur les sciences selon l’option prise par eux préalablement. Il faut savoir qu’en 1880, le nombre d’élèves suivant ce cursus était très grand : la moitié de la population scolaire dans les collèges communaux soit 14 000 et plus d’un quart dans les lycées soit  8700 (J.-B. Piobetta, op. cit., p. 152).

    Grande question pour conclure sur l’évolution culturelle, du moins sur ce plan littéraire (j’ai aussi longuement parlé des sciences, des langues vivantes, etc.).

     

    1890

    Nouveau changement d’ampleur : il y a un unique bac classique (en deux parties toujours). Cette réforme pédagogique repose sur l’allègement des épreuves. Pour la première partie du bac, à l’écrit, il n’y a plus que deux épreuves : une version latine (sans dictionnaire mais avec un simple lexique), et une composition française. Est donc supprimé le thème – allemand ou anglais. Je ne dis rien de l’oral de ce premier bac. Et pour le second bac, à l’écrit, il y a deux séries d’épreuves : en lettres, une unique composition (« dissertation ») de philosophie ; et en sciences, une unique composition portant à la fois sur les mathématiques et la physique (J.-B. Piobetta, op. cit., p. 190). A l’oral, pour le bac lettres, on a trois questions : 1) une interrogation sur la philosophie, l’histoire de la philosophie, et les auteurs concernés ; 2) une interrogation sur l’histoire contemporaine (notez ce souci républicain) ; 3) une interrogation sur les éléments de la physique, de la chimie, de l’histoire naturelle. Et pour le bac sciences, des interrogations : sur les mathématiques, la physique, la chimie, l’histoire contemporaine, la philosophie.

     

    1902

    Nous faisons là le premier pas dans l’ère contemporaine. Je peux être bref puisque cette importante réforme, une grande rupture (annoncée) nous est assez familière. La réforme du 31 mai, sans doute la plus importante réforme dans l’histoire de notre enseignement secondaire (enseignement masculin : mea culpa, je n’ai pas parlé des filles), distingue deux cycles successifs pour le cursus et, en outre, met quasiment à égalité l’enseignement classique (très réaménagé) et l’enseignement scientifique. Du coup, après la grande enquête décidée en 1898 (et dirigée par Alexandre Ribot), le nouveau baccalauréat tranche le débat quasi séculaire entre les classiques, partisans de la latinité et de la rhétorique, et les modernes, partisans du français et des sciences. Nous sommes au bout de l’hésitation qui a agité l’esprit de tous les responsables au cours du siècle (je simplifie, car l’opposition est bien plus nuancée, je l’ai montré il me semble – voir J.-B. Piobetta, op. cit., p. 227). On voit qu’ainsi, de surcroît, on tente de résoudre le problème du divorce entre les bonnes études et la préparation mauvaise, « mécanique », de l’examen (voir Ch. Lenormant). Ceci donne la solution à quatre section égales, avec deux cycles chaque fois : une section classique, le bac latin-grec, ensuite une section latin-sciences, puis une section latin-langues vivantes, et enfin une section sciences sans latin, la section moderne proprement dite. Il s’avère donc que l’enseignement spécial et son bac disparaissent au profit de cette section moderne, mise (presque) sur un pied d’égalité avec les autres

    Sur l’enquête, voir J.-B. Piobetta, idem, p. 227 et suiv. ; et sur les diverses (et complexes) procédures de l’examen, voir le même,  p. 244 et suiv.

     

    Je termine par une affirmation très significative du même J.-B. Piobetta :

     

    « … ce qui rendait très séduisante la réforme de 1902, c’est qu’elle établissait à la fois l’équivalence des baccalauréats et l’égalité, dans leur durée, des études dont elles étaient la sanction. Elle admettait que les mentions très différentes inscrites sur le diplôme de bachelier garantissait une même culture générale acquise après un même nombre d’années d’efforts ».

    Et en contrepoint, les propos d’un des opposants au bac, Maurice Couyba, l’un des secrétaires de la Commission parlementaire qui eut en charge l’enquête et conçut les questions, dans un livre intitulé Classiques et modernes, 1901, p. 10 :

     

    « A force de frapper sur le baccalauréat, il faudra bien qu’il se transforme, s’effrite, s’écaille et perde son caractère dangereux et funeste au progrès intellectuel et social des générations françaises. En lui accordant de moins en moins d’importance, en tant que sanction définitive ; en divisant l’enseignement secondaire en deux cycles d’études, complets par eux-mêmes et sanctionnés par des examens avec matières à option ; en mettant avant lui un certificat intermédiaire, qui vaudra mieux que lui au point de vue intellectuel sans valoir autant que lui au point de vue des prérogatives sociales ; en substituant peu à peu à son mode d’examen invariable, quantitatif et impersonnel, un examen variable, composé de deux épreuves écrites, et d’épreuves orales multiples, souples, qualitatives et personnelles (…), on arrivera à l’émietter, si bien qu’il finira par perdre son caractère, son prestige et jusqu’à son nom. »

     

    Manque de perspicacité : aucune des prédictions de cet auteur ne s’est réalisée.

     

    Remarque en guise de conclusion.

    J’ai parlé naguère de la course actuelle au diplôme, de la recherche du titre, de l’aspiration à un débouché, etc. Il faut dire sur ce plan que la scolarité, quand elle se généralise et qu’elle s’achève par un diplôme quasi universel, le bac (obtenu par pas encore 80% d’une classe d’âge, mais presque, aujourd’hui), nous rend tous comparables, puisque nous entrons tous dans le processus et la compétition. Au contraire, sous l’Ancien régime et au XIXe siècle, l’enseignement secondaire, comme formation d’une élite, avait essentiellement pour résultat  de séparer les lettrés des non lettrés qu’on percevait comme étant d’une nature différente, impossibles à comparer avec les précédents.

    Cette évolution se produit, par ailleurs, il faut aussi le redire, sur le fond d’une critique de la culture classique, accusée de n’être pas assez adaptée aux finalités sociales des études, ce qui appelle en contrepartie une valorisation de la culture « moderne », à base de langue commune, de sciences, etc. C’est un aspect très important du débat dont j’ai fait mention ci-dessus, entre les partisans et les adversaires du bac tel que conçu au XIXe siècle depuis la création de l’Université napoléonienne.

    Les républicains ont été du côté du moderne, certes (contrairement aux conservateurs et aux catholiques). Mais en même temps, je veux le souligner fortement, ils ont quand même voulu maintenir un rapport traditionnel, ou du moins habituel, à la culture, c’est-à-dire un rapport purement éducatif, désintéressé, éthique, ce qui supposait une certaine gratuité des études. C’est ce qui se joue dans la promotion de ce qui se nomme au début du XXe siècle les « nouvelles humanités », les « humanités scientifiques », expressions choisies pour leur aptitude à rappeler les valeurs et les finalités de la haute culture transmise dans les anciens établissements secondaires, la culture de l’antiquité et des langues anciennes, dans lesquelles on pouvait voir un milieu spirituel propre à assurer la formation de la personnalité morale (et religieuse) des enfants. Mais… on ne peut que constater l’échec de cette tentative typiquement républicaine, qui a simplement laissé place à l’utilitarisme scolaire le plus plat (la course au bon diplôme), et à la domination des mathématiques, pur instrument de sélection.

     


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