• 2022-2 Equipes mobiles de tuerie

    Séance 2

    INSTITUTIONS ET MILICES DE LA GUERRE NAZIE

    (Suite 7)

    Les EINSATZGRUPPEN

     

    Je complète aujourd’hui ma description sommaire des principales instances nazies (polices, organes d’espionnage et de sécurité, milices et autres groupements agonistiques) consacrées à la guerre contre les populations civiles, allemandes et étrangères. Concernant les institutions militaires proprement dites, je rappelle que la Wehrmacht est créée à la place de la Reichswehr  par une loi du 16 mars 1935  (qui rétablit aussi le service militaire).

    Je vais donc parler des Einsatzgruppen. Littéralement, les Einsatzgruppen, ce sont des « groupes d’intervention ». Mais dans les faits ce sont des équipes de tueurs, missionnées comme telles dans les pays conquis pour exterminer les Juifs et les dirigeants locaux du régime communiste, toujours soupçonnés de vouloir ou de pouvoir s’en prendre à l’armée allemande, par derrière en quelque sorte.

    A ce propos, on me permettra une notation personnelle. Pour aborder ce sujet, je dirai qu’il est un des plus pénibles qui soit. J’ai fait effort dans ce blog (comme dans mes livres), pour épargner au lecteur les représentations les plus hideuses, les situations cauchemardesques que les nazis ont produites au cours de leurs avancées guerrières. Mais ma modération n’est pas toujours tenable. Ici, je me sens obligé de vous mettre sous les yeux des témoignages terribles. En outre, cette histoire me procure une impression étrange que je n’ai éprouvée dans aucun autre domaine, une impression paradoxale : plus j’en connais le fond, plus j’accumule des faits certains, assortis de notations pratiques etc., et moins je la comprends C’est bien l’inverse de ce qui se passe dans les autres domaines de l’histoire, où l’accumulation de connaissances engendre au contraire une maîtrise de plus en plus forte et fine du sujet. Ici, c’est presque l’inverse. L’accroissement et l’approfondissement de mes connaissances crée en moi une impression d’éloignement et de difficulté insurmontable : ça m’échappe. Sans doute est-ce le simple effet d’une lassitude et d’une consternation extrêmes. D’autant qu’à chaque fois que je crois être en possession d’un fait criminel absolument horrible, je me dis qu’il n’y aura pas pire, que donc je touche le fond, après quoi je ne pourrai que remonter, peut-être, et respirer à l’air libre... Or là aussi je suis contredit par le cours de mes lectures, qui me conduisent toujours à une situation encore pire… On dirait que la méchanceté nazie, le désir de faire souffrir autrui a atteint une sorte de sommet de créativité. Une génialité dans le mal.

    Voici, dans la chronologie de mes découvertes, la dernière dernière en date de ces situations. Je la trouve dans le livre de M. Prazan cité ci-dessous, p. 244 « A Khmelnitski, en Ukraine , j’ai rencontré un homme qui, quand il avait douze ans, fut enfermé dans un sanatorium de Petchora où les enfants juifs étaient vidés de leur sang jusqu’à la mort pour transfuser les blessés de la Wehrmacht ».

     

    Voilà… Je vous laisse imaginer une « opération » macabre de cet Type… Pouvons-nous songer à l’enfant qui regarde la scène et qui comprend ce qui va arriver à d’autres enfants ou bien à lui-même? Pouvons-nous saisir la pensée du médecin SS (un SS… probablement ) qui accompli ce geste en se convaincant qu’il détruit peut-être une vie….mais pour en sauver une autre bien plus importante, car… il s’agit de sa propre… race ! Eh bien quant à moi, je réponds non. Je me sens résolument incapable de mobiliser la moindre parcelle d’énergie mentale pour me représenter ces atrocités, du point de vue du témoin ou de la victime d’abord, et du bourreau ensuite.

    J’en viens à mon sujet. Sans proposer une bibliographie complète et raisonnée, je puis dire simplement que je m’appuie ici sur quelques documents. D’abord des documents télévisuels, et en particulier ceux de Michaël Prazan, très riches et précis, diffusés sur A2 en avril 2009 ; et qui ont fait l’objet de 2 DVD (dont les images sont parfois pénibles à voir, difficiles à supporter…). Ensuite je m’appuie essentiellement sur les livres suivants : de Richard Rhodes (historien Américain), Extermination : la machine nazie. Einsatzgruppen, à l’Est, 1941-1943, Collection Autrement (2004 [2003]) ; de Ralf Ogorreck (historien Allemand), Les Einsatzgruppen. Les groupes d’intervention et la genèse de la ‘solution finale’, Paris Texto, 2007 [1996] ; et aussi de Michaël Prazan (à qui l’on doit les très bons documentaires dont je viens de parler), Einsatzgruppen. Les commandos de la mort nazis, Paris, Seuil, 2010. En complément, je n’oublie pas Christopher Browning qui a consacré un livre remarquable à l’un des bataillons de police chargé de ce genre de besogne en Pologne, en 1942 (Des hommes ordinaires ? Le 101é bataillon de réserve de la police allemande et la Solution finale en Pologne, Paris, Texto, 2007 [1992]. Et de manière générale, je pense qu’il ne faut pas négliger le travail capital de l’abbé Patrick Desbois, en fonction duquel a été fixée l’expression de « Shoah par balles » (même si ce phénomène, qui précède l’extermination dans les chambres à gaz, était connu depuis longtemps et n’a pas été découvert par Desbois…). Son livre : Porteur de mémoires : Sur les traces de la Shoah par balles, Paris, Michel Lafon, 2007…

    On trouvera en outre des indications précises, soit en allant lire ce que le site web de Yad Vashem, à Jérusalem, a mis à notre disposition ; soit en consultant d’autres ouvrages plus généraux très importants, comme ceux de R. Hilberg, de T. Snyder ou d’E. Husson en France, etc ; ouvrages que j’ai plusieurs fois cités, avec d’autres.

    1)

    Disons que les Einsatzgruppen sont créés en 1938 et deviennent très opérationnels vers la fin de 1939. Ils ont alors reçu un entraînement militaire et ils sont dotés de moyens motorisés. Ils sont rattachés à la Wehrmacht. Pour saisir la formation des ces troupes criminelles, on doit donc, d’après les dates que je viens de citer, se reporter à l’annexion de l’Autriche, puis à l’envahissement de la Tchécoslovaquie (devenant la Bohème-Moravie). Ceci est bien traité par E. Husson, dans Heydrich et la solution finale, op. cit. p. 195. A l’origine de ces équipes, il y a Heydrich, le second du RSHA (les services de sécurité), et le Général de brigade Eduard Wagner, intendant général de la Wehrmacht. Que cherchaient les nazis ? Ils voulaient poster ces groupes à l’arrière du front, dans le sillage de l’armée, afin de combattre et d’éliminer préventivement les éléments hostiles ou possiblement hostiles (les « partisans » notamment) aux Allemands. Dès le 31 Juillet 1939, alors que se prépare l’invasion de la Pologne, c’est l’« entreprise Tannenberg », (Unternehmen Tannenberg) qui fixe la tâche des Einsatzgruppen : « combattre tous les ennemis du Reich et de l’Allemagne ». Remarquons ici à nouveau, ce qui m’importe au plus haut point, l’usage du mot « ennemi ». Fin août, Heydrich et Werner Best, le juriste, obtiennent le rattachement des Einsatzgruppen à la Wehrmacht, avec la perspective d’enfermer 30 000 polonais dans des camps de concentration.

    Hitler, dans un discours du 22 août 1939 (cf. Arno Mayer, La « solution finale » dans l’histoire, Paris, La Découverte, 1991 [1990], p. 209, ceci se passe au au Berghof, devant les principaux chefs militaires), fait allusion aux unités SS mises en place depuis l’invasion de la Pologne au moins (je suis aussi E. Husson, Heydrich et la solution finale, op. cit., p. 196). Hitler évoque le pacte en cours de conclusion avec l’URSS et il plaide en faveur d’une attaque préventive, tenant compte de la faiblesse de la France et de l’Angleterre (précision : il s’agit du « pacte germano-soviétique » signé le 23 août 1939, auquel Staline s’est longtemps accroché, pensant qu’il avait floué les nazis alors que, comme le montre ce que je viens de dire, c’est lui, Staline, qui était tombé dans un piège).  

    Un moment important dans la mobilisation des équipes de tueurs, ce fut une réunion, au printemps 1941, dans la ville de Pretzsch (qui se trouve à 80 km sud-ouest de Berlin). Cette réunion préparait l’offensive en URSS, dans laquelle il fallait organiser les Einsatzgruppen,  pour les rendre encore plus efficaces.  

    Donc, dans la perspective de ces attaques, depuis l’attaque de la Pologne, puis celle de l’URSS, les Einsatzgruppen sont créés sur la base de la SS. Cela soulève cependant des difficultés, car les militaires de la Wehrmacht ne sont pas toujours absolument favorables aux SS. Ceci crée des conflits (il y en aura de typiques dans la France occupée). C. Browning analyse de façon très claire ces sortes de tensions, qui, du reste, donnent lieu a des négociations et ce dès le 31 juillet 1939, au terme desquelles un accord est trouvé dans la perspective de  « combattre les éléments anti-allemands agissant en territoire hostile derrière les troupes au combat ». A ce moment, Heydrich souhaite éviter les frictions avec la Wehrmacht, et il explique à ses commandants et officiers de liaison qu’il faut éviter de soulever des protestations. Ce qu’il attend, c’est l’arrestation de ceux qui s’opposent aux mesures prises par les autorités allemandes, ceux qui créent des troubles « et sont en mesure de le faire, de par leur position et leur notoriété ». Le 29 août, ces négociations entre la SS et l’armée, s’achèvent par une réunion entre d’un côté Heydrich et W. Best et de l’autre le général d’intendance de l’OKW, Eduard Wagner.

    Cela étant, lorsque des atrocités sont commises par des Polonais contre les Allemands résidant dans le territoire polonais (c’est ce qu’on appelle le « dimanche sanglant », qui a lieu à Bydgoszcz - ou Bromberg), en même temps que des soldats polonais combattent les Allemands derrière leurs lignes, des cours martiales prononcent à la suite 200 condamnations à mort par jour, avec des exécutions rapides. Or Heydrich trouve cette vague de punitions beaucoup trop modeste, et il demande des pendaisons immédiates. A cette fin, il lance le mot d’ordre : « Pas de quartier pour les nobles, les prêtres et les Juifs ». Du coup, la Wehrmacht prend conscience des vues de Hitler et Heydrich. C’est ce qu’on constate quand, le 9 septembre, Franz Halder, chef de l’état major général de l’armée, affirme : « il est dans les intentions du Führer et de Göring de détruire et d’exterminer le peuple polonais ». L’amiral Canaris, chef de l’Abwehr s’adresse de même au maréchal Keitel, en disant : « Je sais qu’un vaste programme d’exécutions est prévu en Pologne et qu’il vise notamment la noblesse et le clergé »… (tout ceci est cité par C. Browning, dans Les origines de la solution finale..., op. cit., notamment p. 46)

    2)

    Voilà donc de quoi vont être chargés les Einsatzgruppen. Pour ce faire, en Pologne, ils sont composés de cinq équipes, auxquelles deux autres vont ensuite s’adjoindre. Dans chacune s’activent 4 commandos de 100 à 150 hommes. Derrière arrivent le bataillons de la police de l’Ordre, des régiments de SS « têtes de mort » (qui sont aussi, je le redis, chargés de garder les camps de concentration), puis les Waffen SS. Ils sont 20 000 hommes au total. C’est Bruno Streckenbach, commandant d’un Einsatzgruppe, qui est chargé à Pretsch, en mai 1941, de recruter des combattants pour les Einsatzgruppen.

    Par ailleurs, il est aussi significatif que les dits commandos, s’estimant en nombre insuffisant, recrutèrent des très nombreux supplétifs, des lituaniens, des lettons, et des ukrainiens, 60 000 hommes au total, 60 000 assassins qui firent merveille, si j’ose dire, en différentes régions, notamment en Ukraine et Biélorussie. La plupart des tireurs ne furent donc pas tous des Allemands... (Un vieil adage yiddish disait : « Les Allemands étaient mauvais, les Polonais étaient pires ; les plus terribles étaient les Ukrainiens »…). Sans ces forces d’appoint, les opérations de meurtre n’auraient pu avoir lieu à cette phase de tueries de civils dans les villes et les villages. Et seul ce nombre de 60 000 peut expliquer qu’on soit parvenu à liquider au moins un million de personnes en quelques mois, des hommes d’abord puis de familles entières. Le crime est alors devenu génocide à proprement parler.

    Lorsque le travail de tuerie est structuré, on fait fonctionner des duos par exemple pour assassiner les mères avec leurs enfants, l’un des tueurs se chargeant de la mère, l’autre de l’enfant (l’un des témoignage cités par C. Browning confirme l’adoption de cette méthode, car l’un des assassins confie qu’il laissait son binôme tuer la mère, en sorte qu’il avait ensuite moins de scrupules à tuer un enfant devenu orphelin et de ce fait voué à une vie de misère !).

    Les Einsatzgruppen au sens strict sont quant à eux constitués de 3000 hommes au total, pas davantage, issus de la Gestapo, du SD, de la Kripo et de l’Orpo pour le 7ème, celui de Udo von Woyrsch. Il y a en outre 25 chefs d’Einsatzgruppen et d’Einsatzkommando. Et 15 d’entre eux possèdent un titre de Doktor, pour la plupart en droit, parfois en philosophie. Souvent les recrues sont assez jeunes.

    Chaque état-major (constitué sur le modèle du RSHA) comprend 25 à 30 membres de la Kripo, de la Gestapo et du SD, avec en plus du personnel administratif (ce qui confirme que les SS et la police sont devenus un véritable – et redoutable - instrument de guerre … avant tout contre les populations civiles ). Evidemment, il n’y a jamais d’instruction écrite pour cadrer le « travail » de ces groupes. On sait juste que Best, d’après un document du 31 juillet 1939 ? du côté de l’armée, a interdit ou tenté d’interdire les exécutions spontanées. Mais lors de son procès en 1965, Lothar Beutel, le chef de l’Einsatzgruppe IV, a évoqué une réunion du 18 août, à Berlin, en présence d’Himmler, Heydrich et Best. dans laquelle il a entendu que, pour sécuriser l’arrière, « tout était permis, aussi bien les exécutions par fusillade que les arrestations ».

    Parallèlement, le SS Theodor Eicke (un Obergruppenführer  qui sera chef des inspecteurs des camps de concentration ; et mourra en Ukraine en 1943) a la charge d’entraîner la division SS Totenkopf (tête de mort) à perpétrer des massacres de ce type.

    Christopher Browning, dans Les origines de la solution finale… (idem, p. 43 et suiv.) nous apprend qu’au début ont été formées des unités SS, nommées Einsatzgruppen der Sicherheitspolizei, ce qui pourrait se traduire par : unités mobiles spéciales de la police de sécurité, et que celles-ci ont été engagées dans la conquête de la Pologne. Elles sont alors, comme je le disais plus haut, au nombre de cinq, chacune étant attachée à l’une des armées d’invasion. Ensuite s’y ajoutent deux autres groupes et un Einsatzkommando (C. Browning cite Helmut Krausnick et Hans-Heinrich Wilhelm, Die Truppe des Weltanschauungskrieges, p. 34). Je n’ai rien trouvé de spécial dans le livre de Michaël Prazan, Einsatzgruppen…, op. cit., qui commence son récit avec l’invasion de l’URSS, l’opération Barbarossa, en juin 1941.

    On parle souvent de la présence d’Himmler auprès de ces assassins. C’est d’ailleurs à Minsk, en Biélorussie, en août 1941 qu’Himmler, assistant à un massacre et étant éclaboussé par la cervelle sanguinolente d’un condamné à qui l’on venait de tirer, trop maladroitement (!) une balle dans la tête, se serait trouvé mal et aurait même été proche de défaillir.

    3)

    Ces équipes spéciales comportent elles-mêmes les deux branches  que je viens d’évoquer : d’une part les EinsatzKommando, d’autre part les Sonderkommando. D’après M. Prazan (cf. la note de la p. 17 de son ouvrage), les premiers sont affectés à des tâches de police, et les seconds à des tâches de renseignement. Que signifie cela (qui reste à étayer) ? Je suppose que les tâches de police consistent à interpeller des gens identifiés pour ensuite les mener sous bonne escorte au lieu de leur exécution. Les tâches de renseignement consistent quant à elles, sans doute, à recenser les gens que l’on se propose d’abattre…

    La technique des tueries : fusillades ou mitraillages…, ou bien, de près, presque à bout portant, la balle dans la nuque (d’où, dans les deux cas, l’intitulé de « Shoah par balles »). Les exécutions peuvent durer des journées entières, et même s’étaler sur plusieurs jours, ce qui a été assez fréquent en Ukraine en 1941, comme à Babi Yar, près de Kiev, où environ 30 000 personnes ont été massacrées après avoir été entassées dans un ravin.

    Tous les jours, les chefs des Einsatzgruppen envoient des rapports à Berlin où ils consignent leurs résultats, en nombre de tués. Mais ils utilisent de codes, ils parlent ainsi de « traitement spécial ». En revanche les policiers écrivent clairement « on a tué 1000 Juifs », etc… Anglais et américains captent ces communications, donc, dès l’été 1941, après l’invasion allemande de l’URSS, ils sont au courant. Ils comprennent qu’ils sont face à un meurtre de masse…, tout autre chose qu’un pogrom. Et Churchill, apprenant ce genre de chose, dit : « nous somme en présence d’un crime qui n’a pas de nom » - quoiqu’il se contentera de cette formule, nous dit-on, afin ne pas alimenter la propagande nazie selon laquelle lui et les anglais feraient la guerre dans le but principal soutenir les Juifs.

    Un officier ayant agi plus tard dans le Caucase explique qu’en Pologne, il avait en poche un petit volume avec des listes (imprimés en très petits caractères sur des pages de papier très fin, afin que le tout ne prenne pas trop de place), où apparaissaient les membres actifs du PC, des intellectuels non membres, des universitaires, des enseignants, des écrivains, des journalistes, des prêtres, des fonctionnaires, des paysans riches, des industriels, des banquiers. Avec les adresses et les n° de téléphone (le sens très méthodique des Allemands se vérifiera en France!). Il y avait en plus des listes supplémentaires de parents et d’amis, avec des descriptions physiques et parfois même des photos. Les nobles sont tous condamnés à mort. D’où plus de 16 000 personnes exécutées. (Dans le livre de R. Rhodes, p. 11, un témoin raconte l’exécution de 12 scouts ! ... tous avaient été alignés contre un mur).

    Sur le registre des témoignages, tous plus affreux les uns que les autres, je vous propose de suivre en premier la transcription d’un entretien de M. Prazan avec un nationaliste lituanien en 2008 (p. 344 et suiv. de son livre cité plus haut). L’homme, nommé Juozas Aleksynas, est alors âgé de 95 ans et est fort malade… Après la guerre, capturé par les Russes, il avait été détenu 10 ans, puis avait accompli 10 ans de plus dans un Goulag… en Sibérie… Mais il parle avec assez de liberté, et sans trop de culpabilité des tueries auxquelles il a participé.

    Voici le script de l’entretien...

    2022-2 Equipes mobiles de tuerie

    2022-2 Equipes mobiles de tuerie

    Avec la conquête de l’URSS, dès l’été 1941 et surtout en 1942, la technique des massacres s’est améliorée et les exécutions sont davantage planifiées, et perpétrées par ces équipes à des échelles nettement plus grandes. Dans les villes et les villages conquis, une administration militaire recense d’abord les Juifs, toutes les familles et chacune au complet (sont aussi visés et immédiatement fusillés les commissaires politiques et les cadres du régime soviétique), puis, les gens recensés sont convoqués par les hommes des unités mobiles (par des affiches où ils lisent qu’on va les déplacer pour les faire travailler…). Or, une fois rassemblés à l’endroit prévu et à l’heure dite, ils sont en réalité conduits à l’extérieur des villes, parfois à proximité des habitations, jusqu’à des lieux spéciaux, où ils doivent creuser des fosses (qui sont parfois créées avant leur arrivée), où on les fait ensuite descendre par centaines, entassés les uns sur les autres comme du bétail. Et là, immédiatement après, on leur ordonne de se déshabiller (voir les témoignages ci-dessous… N’est-ce pas le comble de l’horreur ; parfois ils doivent s’allonger les uns sur les autres, les vivants sur les morts, etc.), puis ils sont abattus par fusillade, avec des mitrailleuses, ou bien on leur tire une balle dans la tête, un par un, avec des fusil ou des pistolets. L’opération se répète autant de fois que nécessaire pour tuer toute une population, et cela, j’y insiste, dure souvent des journées entières. Je redis que le premier massacre de masse sur ce mode s’est produit à Babi Yar à la fin du mois de septembre 1941, où plus de 30000 personnes sont précipitées dans un ravin et mitraillées. Ces meurtres à l’air libre, au grand jour et en public ne sont pas même cachés aux habitants alentour. Ceux-ci, terrorisés, s’ils ne sont pas enrôlés comme supplétifs (parfois ils sont désireux d’être associés à ces orgies sanglantes), peuvent donc voir les malheureux que l’on traîne au supplice ; ou bien, si leurs maisons sont plus éloignées de la scène, ils entendent cependant les détonations régulières, chaque jour, du matin au soir. Dans d’autres cas et d’autres lieux, les exécuteurs utilisent non pas les armes à feu mais les gaz d’échappement de camions, renvoyé à l’intérieur des véhicules aménagés à cette fin, où ont été préalablement enfermés les personnes condamnées… (Je signale que c’est seulement depuis que l’Ukraine est séparée de l’Union soviétique que l’on a commencé de reconstituer cette sale histoire… En URSS et aujourd’hui en Russie, tout travail de mémoire dans le même sens était et est quasi impossible).

      TÉMOIGNAGES : AU PROCÈS DE NUREMBERG

    2022-2 Equipes mobiles de tuerie

    Henri Monneray, La persécution des Juifs dans les pays de l’Est, Présentée à Nuremberg, Paris, 1949. « Recueil de documents », p. 94-95-96-97 (« Documents et témoignages de l’accusation »)

     

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    2022-2 Equipes mobiles de tuerie

    Jean-Marc Varaut, Le procès de Nuremberg, Paris, Perrin, 2002 [1992], p. 250, 251, 252 : Déposition écrite de Hermann Graebe, directeur de la succursale ukrainienne d’une firme allemande. La scène se passe le 15 octobre 1944 ; elle montre un Einsatzkommando assisté par une milice ukrainienne.

     

    Sur la participation de la Wehrmacht : elle est avérée. Il y même dans certains cas une répartition des tâches : les Einsatzgruppen et la police assassinent dans les villes, les soldats dans les petits villages. Ou bien un secteur est confié à tel, comme la Biélorussie est confiée au au groupe B et aux SS.

     


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